« Nous traversons lentement le passage étroit qui relie à la grande mer ce ravissant port naturel, et nous pénétrons dans ce cirque de maisons couronné par un bois d’un vert puissant et frais, reflétés l’un et l’autre dans le miroir d’eau tranquille et rond où semblent dormir quelques barques de pêche.
Jamais, peut-être, je n’ai senti une impression de béatitude comparable à celle de l’entrée dans cette crique verte, et un sentiment de repos, d’apaisement, d’arrêt de l’agitation vaine où se débat la vie, plus fort et plus soulageant que celui qui m’a saisi quand le bruit de l’ancre tombant eut dit à tout mon être ravi que nous étions fixés là ».
Guy de Maupassant, La côte italienne
Arriver à Portofino (et il faut le faire comme Maupassant, en bateau, il y a des navettes toutes les demi-heures, mais de préférence tôt le matin), c’est entrer dans le rêve. Un décor de théâtre se découvre peu à peu, à mesure qu’on pénètre dans ce havre naturel, les maisons de toutes les couleurs, leurs façades peintes en trompe l’œil… On débarque chez Goldoni. Ensuite, il n’y a rien de mieux à faire que d’élire sa terrasse et de regarder passer les stars ou les puissants de ce monde. Oui, parce que Portofino, c’est un peu le St Tropez italien, et les boutiques de luxe jurent un peu avec l’ambiance « petit port de pêcheur » mais on se souvient aussi que c’était le rendez-vous favori des Rossellini, Ingrid Bergman, Clark Gable et Maria Callas… La plus belle, la grande Ava Gardner, y a résidé pendant le tournage du film La comtesse aux pieds nus de Mankiewicz.
Nous avons passé notre première nuit dans le bien nommé hôtel Eden, sorte de maison d’hôtes assez simple pourvue d’un mignon petit jardin au centre du village. Le patron est un peu bizarre et bourru, mais j’ai cru comprendre qu’en lui téléphonant (il n’a pas l’air de trop aimer Internet) on pouvait obtenir un prix (demander une chambre avec balcon, il parle français).Le lendemain, après avoir fait un ravitaillement dans une épicerie à deux pas de l’hôtel (prosciutto, pane e fromaggio) nous nous sommes lancés dans une randonnée de trois heures jusqu’à San Fruttuoso.Le chemin serpente d’abord au milieu des citronniers et des rosiers et longe plusieurs villas magnifiques, puis devient plus sauvage et escarpé, avec des échappées vertigineuses sur la mer. L’arrivée à l’abbaye est superbe, et même si sa visite est un peu décevante (à moins d’être passionné d’archéologie), sa position enchâssée dans une crique vaut le détour. Au bord de la plage se nichent un bar et un restaurant, et l’on peut reprendre le bateau ici pour éviter de faire le chemin en sens inverse.De retour à Portofino, nous avons dîné à la terrasse du Strainer, au ras de l’eau et avec une vue sur le port et le village, en nous laissant tenter par le plat du jour, des pâtes aux cèpes succulentes préparées devant nous dans une meule géante de parmesan (on en aurait recommandé une assiette par pure gourmandise s’il n’y avait pas eu le tiramisu). Un chanteur nous berçait de ses mélodies sirupeuses, mais après tout, il n’y avait qu’à se laisser aller…Lire la suite : Hôtel Splendido, il paradiso