La Coloniale, le restaurant de l’Amant

L’homme élégant est descendu de la limousine, il fume une cigarette anglaise. Il regarde la jeune fille au feutre d’homme et aux chaussures d’or. II vient vers elle lentement. C’est visible, il est intimidé. Il ne sourit pas tout d’abord. Tout d’abord il lui offre une cigarette. Sa main tremble. Il y a cette différence de race, il n’est pas blanc, il doit la surmonter, c’est pourquoi il tremble. Elle lui dit qu’elle ne fume pas, non merci. Elle ne dit rien d’autre, elle ne lui dit pas laissez-moi tranquille. Alors il a moins peur. Alors il lui dit qu’il croit rêver. Elle ne répond pas. Ce n’est pas la peine qu’elle réponde, que répondrait-elle. Elle attend.

Marguerite Duras, L’Amant

Et ensuite il l’emmènerait dîner à La Coloniale, ce drôle de restaurant tout droit sorti des romans de Duras, mélange de souvenirs d’Indochine et de la France d’antan…
Ils s’installeraient à une petite table près de la fenêtre en bas ou à l’étage, pour pouvoir se parler tout bas et se dire ces choses que les autres ne doivent pas entendre :

“Il sent bon la cigarette anglaise, le parfum cher, il sent le miel, à force sa peau a pris l’odeur de la soie, celle fruitée du tussor de soie, celle de l’or, il est désirable. Je lui dis ce désir de lui. Il me dit d’attendre encore. Il me parle, il dit qu’il a su tout de suite, dès la traversée du fleuve, que je serais ainsi après mon premier amant, que j’aimerais l’amour”.

A la coloniale, l’Asie et de l’Europe se marient avec élégance, sur fond d’objets chinés avec goût. Si l’endroit est original, il est aussi chaleureux et la cuisine, cambodgienne, délicieuse, relevée comme il se doit d’épices et d’herbes fraîches. La fantaisie de la patronne, un peu dans son monde, chantonnant des chansons des années 1920, ajoute encore au décalage. Les Amants peuvent choisir entre plusieurs ambiances : style maison de famille ou salle à la décoration inspirée d’Angkor (sans tomber dans le kitsch), petite alcôve pour réunions très privées…

Un voyage culinaire et dans le temps, à des prix raisonnables, dans un quartier (près de l’Odéon) où il y a tant de choses à voir ou à faire, une adresse à noter dans son moleskine à l’encre violette !